Rescapés !
Majou et son équipage ont cependant eu le temps de mettre la grande chaloupe à l'eau et d'y embarquer eau, vivres et outils, et, plutôt que d'aborder l'ile aux pingouins, ils décident de rallier l'île aux Cochons à quelques milles : Majou savait que les phoquiers américains du "Comus" avaient installé là un dépôt de vivres et de matériel de secours.
Ces îles renferment d'immenses populations d'éléphants de mer alors exploités pour leur graisse ; les phoquiers de diverses nationalités sont très nombreux, les naufrages fréquents, souvent dramatiques, dans des mers froides et inhospitalières : la constitution de dépôts (les fameuses "cabanes"), là où on le pouvait, était une précaution élémentaire dont l'habitude se poursuit jusqu'à maintenant ; nos navires veillent régulièrement au bon approvisionnement de ces "cabanes" !
Les naufragés atteindront les Cochons le 11 : trois jours à louvoyer dans une mer de furie pour franchir vingt milles !
La vie s'organise sur cette île, mais les réserves sont limitées : c'est ainsi qu'au bout de quelques semaines, la viande de phoque, les albatros et les oeufs de pingouins remplacent les biscuits de mer, la viande et le poisson séchés. Les vêtements usagés sont complétés par des accoutrements en peau d'otarie. La tourbe fournit le combustible.
Pourtant, malgré des conditions de survie à peu près satisfaisantes, le doute s'installe peu à peu dans l'esprit du capitaine : aucune voile à l'horizon ! L'île est-elle bien régulièrement visitée par les navires phoquiers ? C'est ainsi que Majou décide d'embarquer à nouveau sur la chaloupe et de rejoindre à l'est de l'archipel l'île de la Possession ou l' île de l'Est où, pense - t'il, les passages sont beaucoup plus fréquents.
Jean-Yves Le Guen, 18 ans, est novice à bord : c'est son dernier embarquement d'instruction avant de passer matelot. A - t'il entendu parler des aventures du capitaine Lesquin, de Morlaix ? Toujours est-il qu'il décide, avant de quitter les "Cochons", d'attraper un jeune albatros et de lui fixer au cou une plaque de tôle portant l'inscription :
" Treize naufragés français réfugiés aux Crozets. Le 4 août."